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Page:Eyraud - Voyage à Vénus.djvu/244

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VOYAGE À VÉNUS

jamais de l’employer dans la déclamation de leurs poëmes et de leurs tragédies, et il reste encore des traces de ce système dans nos chants d’église qui seraient fort beaux s’ils étaient plus intelligibles et chantés moins machinalement.

— Dans une œuvre lyrique au contraire, reprit Célia, la poésie n’est qu’un prétexte à mélodies ; c’est le rameau d’où le génie musical doit prendre son essor : luxuriante et touffue, elle embarrasserait son vol et froisserait ses ailes.

— Vous pourriez ajouter, lui dis-je, qu’en dehors même des compositions lyriques, le poëte ne saurait être trop sobre dans l’expression des sentiments qu’il prête à ses personnages.

— Assurément.

— Aussi, n’avez-vous nullement à regretter de ne point connaître nos drames et la plupart de nos tragédies, car les passions et surtout l’amour y sont d’une intarissable loquacité, dont l’acteur aggrave encore l’effet énervant par l’emphase de son débit et l’intempérance de ses gestes.

— C’est vraiment chose fâcheuse, car rien ne me paraît moins sympathique et moins sincère que ce bavardage du cœur. L’amour véritable a sa pudeur qui voile ses plus vifs transports, et en glace l’expression sur les lèvres.