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VOYAGE À VÉNUS

cées, et alors commence la mêlée générale de toutes les prétentions masculines et féminines.

Les hommes font rayonner les décorations qui constellent leur poitrine, et prennent l’air capable et important. Chacun d’eux semble dire : — C’est moi qui suis un tel : avocat distingué, — auteur célèbre, — médecin savant, — comte depuis les croisades… de père en fils, — et surtout : — c’est moi qui suis millionnaire ! Tous affectent la physionomie de leurs prétentions : celui-ci a la mine éveillée et le langage vif et volubile de l’homme d’esprit, celui-là, les airs penchés et la chevelure en saule pleureur du poëte mélancolique, cet autre se donne l’attitude méditative du penseur profond, du politique éminent, et affecte des poses d’une raideur sculpturale, comme pour se faire sa statue de son vivant. — Çà et là, papillonne le beau don juan, soigneusement frisé, cravaté, musqué, corseté, qui, de ses lèvres confites dans un sourire perpétuel, distille des fadeurs au sexe crédule, et passe tous les cœurs au fil de sa moustache aiguisée en pointe. — Cependant, loin du gracieux essaim des dames, dans les coins du salon et les embrasures des croisées, stationne ce réfrigérant des salons qui s’appelle l’homme grave : tête chauve, enrichie de lunettes d’or et montée sur cravate

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