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VOYAGE À VÉNUS

« Nous demeurâmes un grand nombre d’années dans cette agitation stérile. Quel que fût le parti qui triomphât, le gros de la bourgeoisie se rangeait invariablement dans l’opposition. Rien n’était plus curieux que la versatilité de ses aversions et de ses enthousiasmes : avide de gloire militaire en temps de paix, impatient d’avoir la paix pendant la guerre, faisant des révolutions pour conquérir un supplément de liberté, se jetant dans les bras du despotisme pour se sauver des révolutions, désireux de tout, satisfait de rien, le bourgeois vénusien ressemblait au malade que la fièvre agite, et qui veut toujours changer de position et de traitement.

« Cependant, comme le grondement lointain d’une marée montante, s’annonçait le profond et menaçant murmure du flot populaire. Il avait souvent renversé les digues de la tyrannie au bénéfice de tel ou tel parti, se retirant au large une fois l’œuvre accomplie. À la fin, il voulut des satisfactions plus solides que les splendides éloges que ceux dont il avait décidé le triomphe lui prodiguaient avec une libéralité peu coûteuse, et dont il s’était contenté jusqu’alors : il réclama sa part de bien-être, sa part de pouvoir, sa part d’instruction.

« Par malheur, la bourgeoisie ayant longtemps affecté un orgueilleux mépris pour les profes-