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LES FÉES DANS LES POÈMES DE MARIE DE FRANCE

est montée sur un admirable cheval blanc aux harnais superbes, et porte un manteau de pourpre grise brodé d’or ; elle a l’épervier au poing, son lévrier l’accompagne. Il faut reconnaître que les vers de Marie de France s’animent d’une vie singulière pour nous faire voir l’entrée d’une dame de qualité par les rues étroites et populeuses de quelque ville du moyen âge, sous les regards ébahis des manants.

La blonde fée est venue justifier celui qu’elle aime, mais lui a-t-elle pardonné ? « Peu m’importe que l’on me tue, dit-il, si de moi elle n’a merci. » Elle laisse tomber son manteau de pourpre grise, afin de mieux dévoiler la perfection de sa personne, et, quand elle a été proclamée la plus belle femme du monde, quand elle a victorieusement plaidé la cause de Lanval, pour s’éloigner, elle remonte sur son palefroi ; Lanval saute sur son propre cheval, et la suit. La fée songeant peut-être que, parmi les hommes, la discrétion des amoureux est mise à trop rude épreuve, l’enlève en quelque île fortunée… Tel fut aussi le sort de Graelent. Ne voulant pas trahir son souverain, il fuit la reine Genièvre qui lui a proposé son amour, et il rencontre une fée occupée à se baigner dans une fontaine. La fée lui apprend qu’elle l’aimait déjà avant cette rencontre, et, comme l’amie de Lanval, celle de Graelent exige la plus entière discrétion. Graelent retourne à la cour d’Arthur, où la reine remarque sa froideur et le mépris qu’il fait de ses charmes. Elle se dit insultée par lui. Graelent commet une indiscrétion identique à celle de Lanval. Il ne sera justifié que si la fée vient à son secours. Elle surgira comme sa sœur en féerie, comme l’héroïne du lai de Lanval. Deux de ses suivantes, puis deux autres merveilleusement belles, la précéderont. Elle