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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

n’a souci de l’amour. En vain dames et damoiselles soupirent-elles pour ce bel indifférent. Les fées les vengeront. Comme l’Hippolyte grec, Gugemer est chasseur. Dans une forêt, il vise une biche blanche. Le trait revient sur lui, le blesse, et la biche qui est fée se met à parler, lui prédisant qu’il doit souffrir autant de peines d’amour qu’il en infligea lui-même. Gugemer, blessé, marche jusqu’à une rivière où il trouve un navire magnifique et désert. Il s’y introduit, s’étend, épuisé, sur un lit d’ébène, et perd connaissance ; le navire se met en marche, et touche un autre rivage. Une belle châtelaine, sévèrement gardée par un mari vieux et jaloux, recueille le blessé et le cache pendant de longs mois. Ils s’aiment, mais, découverts, ils doivent se séparer. Le chevalier s’enfuit ; la châtelaine est enfermée dans un cachot. Un jour, — est-ce par l’influence des fées ? — elle découvre que sa porte est sans verrou. Elle sort et trouve sur le rivage le vaisseau féerique qui avait amené et emmené son amant. Elle s’y embarque et va le rejoindre, à travers de nouvelles aventures.

Le lai d’Ywenec nous fait connaître un autre mari jaloux et cruel ; comme celui de Gugemer, il est, sans fées visibles, tout imprégné d’une influence de féerie, et nous permet de pressentir l’Oiseau bleu de Mme d’Aulnoy : pour tromper ce vilain mari, l’amant se transforme en oiseau. Grâce à ce stratagème, il visite sa belle, mais il meurt victime du mari trompé. Après sa mort, un fils lui naîtra qui sera l’héritier de son épée, et qui se constituera vengeur. Si indulgente aux amoureux, Marie de France n’est point trop pitoyable aux maris. Elle connaît Tristan et Iseut, puisqu’elle-même, dans le joli lai du Chèvrefeuille, elle a chanté les amours d’Iseut la Blonde ;