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LES FÉES DANS LES POÈMES DE MARIE DE FRANCE

elle a subi le prestige de cette amoureuse épopée, et, pour elle aussi, l’amour est la grande féerie : il abat les grilles, fait tomber les verrous, guide les navires sans pilote, donne des ailes aux amants.

Le lai du Bisclavret prendra le parti du mari. Ce mari disparaît parfois, s’enfonce dans une forêt où il abandonne ses vêtements, et se trouve métamorphosé en loup-garou. Il a l’imprudence de confier son secret à sa femme perfide et tendrement aimée. Celle-ci en profite pour condamner le pauvre mari à rester loup-garou, le faire passer pour mort, et en épouser un autre. Un jour, tout se découvrira : il reprendra ses vêtements, sa forme humaine, mais pas avant d’avoir profité de sa mâchoire de loup pour enlever d’un coup de dent le nez de l’infidèle, et, par ces détails drolatiques et sanglants, le lai du Bisclavret rappelle certain fabliau.


IV


Celui d’Éliduc, où une belette joue un rôle quasi féerique, est d’une mélancolie grave et tendre, d’une haute et douce inspiration. C’est, peut-être, le chef-d’œuvre de Marie de France.

Éliduc aime une princesse étrangère, fille d’un roi au service duquel il a mis son épée ; et depuis qu’elle l’a vu, cette princesse nommée Guilliardon est devenue sa conquête. C’est une de ces invincibles passions que parfois le moyen âge a chantées, avec Genièvre et Lancelot, Iseut et Tristan, Paolo et Francesca. Ils se sont aimés, pour ainsi dire, avant de se connaître. Marie de France, en ce sujet brûlant,