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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

abbesse les beaux secrets du plus haut amour ; Éliduc se fit moine et Guilliardon se fit nonne. Un idéal chrétien d’amour tout spirituel succède à ce récit d’une passion qui apparaît d’abord aussi fatale et aussi irrésistible que dans la conception païenne de l’amour. Il serait intéressant de démêler, sous l’apparence très simple de ce petit conte rimé, la complexité de plusieurs civilisations qui s’y heurtent. Mais la poétesse est fidèle à l’enseignement profond du Christianisme quand elle transforme en victorieux ceux dont la poésie antique n’eût pu faire que des désespérés.

Elle nous dit tout cela, facilement, gracieusement, et comme se dépêchant de nous le dire avec ses petits vers pressés qui nous ouvrent parfois de longues perspectives de rêve ; tels ceux qui se font évocateurs d’une musique aimée et perdue.

Car tous ces lais venaient de Bretagne, sur les ailes d’une musique ancienne que Marie de France connaissait et goûtait ; s’il faut en croire les poètes, cette musique était délicieuse, si délicieuse que notre Marie en demeure hantée à travers tous ses chants.

De ce conte que vous avez
Le lai de Gugemer fut trouvé
Due l’on dit en harpe et en rote :
Bonne en est à ouïr la note.

Et l’auteur de Graelent :

L’aventure de Graelent
Vous dirai si que je l’entends ;
Le lai en est bon à ouïr,
Et les notes à retenir.

Mais, justement, ce sont les notes qui s’envolèrent…