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LES FÉES DANS LES POÈMES DE MARIE DE FRANCE

son langage naïf et sa grâce de fleur simple, trouve deux vers charmants pour décrire cet état d’âme :

« Tant par pitié que par amour,
« Je n’aurai plus joie aucun jour… »

Pareille aux dames à qui s’adressait Dante, Marie de France et sa Guildelec ont certainement ce que le poète appelait « l’intelligence de l’amour ».

Pas de fées dans ce conte, mais voici venir le fantastique qui fait du conte d’Éliduc un devancier de la Belle au Bois Dormant. Outre que le sommeil de Guilliardon est parent des sommeils féeriques, une merveilleuse belette apparaît évadée du monde de la féerie. À la différence de beaucoup d’animaux de ce monde-là, dame belette ne parle pas ; seulement, par la vertu d’une herbe qu’elle connaît, elle ressuscite une de ses sœurs belettes, et Guildelec, témoin de ce fait merveilleux, s’empare de la même herbe, en frotte les lèvres de la belle morte, la ressuscite et prend la résolution de se retirer dans un cloître pour cesser de mettre obstacle au bonheur des amoureux.

Il est clair que Guildelec est également une amoureuse passionnée, car son droit lui importe peu, dès lors qu’elle a perdu l’amour. Je ne discute pas, au nom de la stricte moralité, l’acte commis par la chère Guildelec, mais j’admire qu’un sentiment si fin et si ardent la porte vers les sommets du sacrifice !

Nous n’avons pas à savoir comment Guildelec fonda un monastère où trente jeunes filles d’élite furent ses compagnes et ses disciples, ni comment Éliduc et Guilliardon, ayant réalisé la vie de leur passion et de leur rêve, un peu déçus peut-être par cette réalisation même, vinrent demander à Guildelec