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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

M. Guy, nous avertit de ne point juger du sentiment de son héros par certaines apparences qu’il se donnait dans ses pièces, afin d’amuser le public.

Il a mis beaucoup de choses dans le Jeu de la Feuillée, qui fut une revue médiévale des événements d’Arras ; la pièce se termine par une amusante et pittoresque visite de fées, de trois fées, selon la coutume : Morgue, Arsile, Maglore.

Ici, comme d’habitude, Morgue est une reine, en même temps qu’une fée. Les deux autres marchent dans son sillage et semblent ses suivantes.

N’est-il pas étonnant de voir la lointaine princesse d’Avalon et de Brocéliande, la souveraine impérieuse de l’île Fortunée, quitter l’ombre légère et fleurie de ses pommiers, et s’approcher des rues populeuses d’Arras ? Pas tant, peut-être, qu’on le croirait ; les fées jouaient un rôle dans les légendes du moyen âge, et beaucoup des auditeurs ne se seraient pas avancés trop loin à travers les campagnes nocturnes, sans espoir ou crainte de les rencontrer. On se les figurait belles et parées, le visage « blanc comme fleur d’épine ». Le jeu d’Adam se passait dans une salle de verdure ; aussi l’appelait-on Jeu de la Feuillée. Sans doute, il était plein d’allusions à des usages locaux ; peut-être la coutume des vieilles femmes était-elle d’aller attendre au bord de la prairie d’invisibles fées que l’on épiait toujours, et qui ne passaient jamais. Que d’êtres humains guettent ainsi, sans se décourager, les chances incertaines de la vie ! Les fées d’Adam se cachent le jour ; elles ne marchent ou ne se montrent que la nuit. Elles donnent des conseils aux vieilles femmes qu’elles rencontrent à la lisière de quelque champ ou de quelque bois. Et les Artésiennes se reconnais-