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LES FÉES DANS LE JEU D’ADAM DE LA HALLE

saient ; comme la mode en était enracinée en Écosse pour les lutins familiers, il était vraisemblablement admis de préparer une table servie à l’usage des fées en voyage. Si l’heure de la visite touchait à celle du crépuscule, les brouillards légers de l’automne prenaient, aux yeux usés des aïeules, la forme des belles visiteuses.

Que signifier cette sagesse féerique attribuée aux vieilles femmes ? Ce que l’on est convenu de nommer les résultats de l’expérience ? Une certaine ruse, un peu de défiance, la peur d’être dupes en ce monde où tant de nobles cœurs n’ont été grands que pour avoir ignoré cette peur ?

Adam nous montre Morgue, Arsile, Maglore arrivant au lieu qu’elles prétendent favoriser. Deux tapis sont disposés pour elles. Naturellement, Morgue, la première, a le sien ; Arsile prend place sur l’autre ; seule, Maglore n’en a point. La petite fée enrage ; elle se vengera de cet oubli. Très humaine, très féminine, elle s’écrie : « Mon deuil est d’autant plus grand que vous les avez, ces tapis, et que je ne ais ai pas. » C’est tout simple.

Oh ! les pauvres petites cervelles de femmes frivoles et vaniteuses qu’ont ces fées ! On les sent ployer et frémir au souffle du caprice. Elles ne possèdent ni moralité ni persévérance ; elles sont de folles et légères petites femmes, et de plus vindicatives, méchantes au besoin, cruelles, comme tous les êtres asservis à leur propre vanité !

Morgue est, selon Adam, éprise d’un certain Robert Sommeillous. Elle avait eu, croyons-nous, assez de caprices, la fantaisiste reine d’Avalon, la sombre hôtesse de Brocéliande. Il ne s’agit plus ici de héros légendaires : de Guyomar, de Rainoart,