partent, ils les laissent aussi sains comme devant, et aulcuns donnent grand heur en cestuy monde. » Ne dirait-on pas qu’il y a là comme un souvenir du voyage de Cérès ? Ces fées, d’après certain Gervaise que cite Jehan d’Arras, se montrent parfois sous la figure de petites vieilles au visage ridé. D’autres apparaissent comme de belles et rieuses jeunes femmes… « et en ont aulcunes fois plusieurs hommes aulcunes pensées, et ont prins à femmes moïennant aulcunes convenances qu’ilz leur faisaient jurer ». Les maris de ces fées avaient toutes choses prospères jusqu’au jour où ils manquaient au traité conclu ; mais, de ce jour, certaines d’entre elles se trouvaient changées en serpents : ce fut le cas de Mélusine. Le même Gervaise suppose que ces êtres bizarres se trouvaient sous l’influence de quelque mystérieux châtiment. « Et plus dit le dit Gervaise qu’il croit que ce soit pour aulcuns meffais et la déplaisance de Dieu pour quoy il les punit si secrètement et si merveilleusement, dont nul n’a parfaitement cognoissance, dont luy tant seullement. »
Mélusine, d’après le romancier, serait fille d’Élinas,
roi d’Albanie, et de la fée Pressine. Quelques
lueurs d’histoire peuvent filtrer à travers la légende.
Des auteurs voient en elle la sœur très authentique
d’un comte du Poitou, devenue la femme d’un seigneur
du Croisic. Pourquoi Jehan d’Arras l’appelle-t-il
Mélusine d’Albanie, et qu’est cette Albanie sur
laquelle, d’après le conteur, règne Élinas, père de la
célèbre fée ? M. Baudot croit reconnaître l’Écosse dans
l’Albanie, et un roi d’Irlande, Laogaire Mac Neill, dans
Élinas. Pressine, emmenant ses trois filles, Mélusine,
Palestine et Melior, aurait quitté son mari pour une
infidélité que fit celui-ci aux conventions posées par