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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

Que mes cuers ne vourait dont vous serés moult plains…
Mais d’une amour ardant sera vos cuers atains. »

Un mot du vieux romancier nous donnerait à penser que la fée est amoureuse de son élève, mais elle le quitte et se résigne à le voir souffrir pour une ingrate :

« Quand vous amerés plus et elle aimera mains. »

La destinée le veut ainsi. Brun de la Montagne a le cœur délicat et passionné. Il souffre cruellement de cette séparation. En même temps, il semble avoir une certaine impatience pour cette peine amoureuse qui lui est prédite ; il la désire, plus qu’il ne la redoute. Ce trait est charmant, et pathétique nous semble la réponse de la fée : « Soyez-en certain comme de la mort : vous aimerez. » Il me plaît aussi qu’elle ajoute avec une grâce féminine : « plus que mon cœur ne voudrait… »

Hélas ! Nous ne savons pas comment aima Brun de la Montagne. Libre à nous de le rêver ! Le manuscrit s’interrompt au moment où cet amour commence… Il n’existe plus d’indice de ce qu’il fut. L’amoureuse fée fut-elle la consolatrice ? Brun l’épousera-t-il, comme Sigurd la Walkyrie ? Autant de questions destinées à demeurer sans réponse. Mais il n’en est pas moins vrai que le type est joli de la petite fée qui pleure sur une destinée humaine, et que Brun de la Montagne nous intéresse par un pressentiment tragique des douleurs d’amour…