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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

et permettent à la nature de refléter un peu de l’âme humaine. Un jardin, à lui tout seul, peut être une féerie d’ombre et de lumière ; de parfums, de couleurs, et de chants. Notre pensée imprime sa marque à nos jardins.

Certains possèdent une grâce mystique, comme les jardins recueillis des cloîtres qui fleurissent autour d’un vieux puits, dans un cadre ogival ou roman dont les fresques prient ; jardins étroits et silencieux que des clôtures défendent contre les bruits du monde ; où le sourire même du printemps est contenu ; jardins qui semblent s’approfondir dans leur écrin d’arceaux et de colonnettes comme pour mieux prendre leur élan vers le ciel. L’odeur de l’encens y flotte sur l’arôme des plates-bandes auxquelles on refuse trop d’éclat. Mais nulle part le ciel n’apparaît plus haut et plus magnifique que lorsqu’il plane enchâssé dans ces pierres que le printemps spirituel des oraisons invite à fleurir. Point de fontaine murmurante, mais le puits silencieux dont l’eau secrète se garde à l’ombre, éternellement fraîche et pure.

Il y eut en Toscane des jardins romanesques, comme ceux où Dante saluait de belles Florentines, et des jardins licencieux comme ceux où s’égrenèrent les contes de Boccace. Les fresques se mirent aussi à chanter de doux jardins où jeunes seigneurs et jeunes dames devisent au son des instruments de musique, sans voir la faulx de la mort qui les menace…

L’Italie aimait donc passionnément les jardins ; elle avait une profusion de roses pour les enrichir ; elle avait de purs cyprès pour y jeter l’ombre d’une pensée mélancolique ; Fra Angelico et Léonard de