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LES JARDINS FÉERIQUES DE LA RENAISSANCE ITALIENNE

Vinci encadrent de cyprès toscans leurs Annonciations. Si les jardins de l’Angelico prient, ceux de Léonard rêvent. Et je sais à Florence un jardin précis et charmant qui se dessine comme fond d’une annonciation, et qui fut peint amoureusement par Lorenzo di Gredi. Il y eut des jardins à Florence, à Vérone, à Ferrare, à Mantoue ; aux jours de la Renaissance, il y eut à Rome un jardin grave et beau dont les habitués écoutaient causer Michel-Ange avec Vittoria Colonna. Bojardo et l’Arioste visitèrent sans doute Isabelle d’Este dans son jardin suspendu.

Il y avait toute une féerie de luxe chez cette princesse à qui Bojardo destinait son Roland amoureux ; à qui l’Arioste lisait son Roland furieux, dans ce château de Mantoue dont elle était à la fois la princesse et la fée —, blonde aux yeux noirs comme Alcine, mais prudente et vertueuse comme Logistilla. La marquise de Mantoue montrait aux poètes ses galeries pleines de chefs-d’œuvre, la retraite de son Paradis, soignée et ciselée comme l’écrin d’une perle, derrière son rempart d’étangs mélancoliques qui semble avoir été combiné par quelque ingénieux magicien pour éloigner d’une princesse pensive l’approche des bruyants mortels.

L’art des châteaux est inférieur à l’art des cathédrales, comme l’Arioste est inférieur à Dante, mais on les croirait évoqués par des fées, ces palais, ces châteaux de la Renaissance, découpés comme des fleurs, ajourés comme des dentelles, gemmés comme des bijoux, qui s’épanouissent au cœur des vallées, au flanc des collines, et jusqu’au sein des eaux. Elles semblent rêvées par des enchanteurs ou des poètes, ces villes de Ferrare, de Vérone, de Mantoue, de