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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

Vicence, où l’Italie se complaît. Les délicieuses architectures d’Azay et de Chenonceaux furent créées, dit-on, par des femmes, qui les firent émerger des ondes pour y mêler au rêve le prestige de la musique et de l’amour. Elles voulaient y vivre sans doute, telles que les fées des poèmes en leurs îles fortunées, fleuries comme d’enivrants jardins.

De pareilles images allaient rejoindre celles du Paganisme ; comment oublier que la prairie de Calypso était une sorte de jardin ? Sémiramis, à laquelle la légende donne un air de fée en racontant qu’elle fut nourrie par des colombes, et qu’elle s’envola métamorphosée en colombe, avait ses jardins suspendus de Babylone, une des merveilles du monde. Les poètes érudits de la Renaissance n’ignoraient rien de tout cela. Ils se rappelaient aussi les jardins fabuleux du moyen âge, les jardins funestes dont parle le cycle de l’Inconnu Bel à voir.

Partout où les fées se montrent, il y a de ces inquiétants et mystérieux jardins. Des pins, des cèdres, des palmiers en voilent la pelouse éternellement fleurie. Des lacs, des rivières, des fontaines, y ajoutent un charme à ceux de la végétation. Des loggie soutenues par des colonnettes d’ambre et d’or et décorées d’admirables peintures en dominent les sites incomparables. Ici, là, de secrets asiles de verdure, des bosquets profonds, des marbres de rêve. Les allées ouvrent des perspectives sur les palais éblouissants qui miroitent à travers le feuillage et laissent entrevoir de précieuses sculptures. Musique et chants y résonnent.

Mais tous ces jardins ravissants ne sont créés que pour la perte ou l’abaissement des chevaliers. Jardins d’illusions s’il en fut jamais, et que l’acte d’une