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LES JARDINS FÉERIQUES DE LA RENAISSANCE ITALIENNE

Le bizarre Morgante du Florentin Pulci précéda les épopées ferraraises de Bojardo et de l’Arioste ; il en est, en quelque sorte, le parent pauvre, et, par elles, il fut illustré. Celles-ci nous donnent toute la fleur de la nouvelle poésie chevaleresque.

De vieux livres, les Reali di Francia, les gestes du cycle carolingien, se lisent encore chez le peuple, dans l’Italie moderne. Nos chansons de geste devaient occuper une place de choix dans la bibliothèque de ce duc Borso d’Este qui régnait à Ferrare aux jours où Matteo-Maria Bojardo, comte de Scandiano, était à même de les feuilleter ou de les méditer.

L’Italie était amoureuse, et, cependant, les héros du cycle carolingien, si peu préoccupés de leurs amours, y étaient encore plus populaires que les romanesques chevaliers de la Table-Ronde. Lancelot n’avait point détrôné Roland ; les âmes vibraient toujours aux accents de mâle beauté qui célébraient la grandeur des Paladins.

Cela nous étonne, si nous songeons que l’école de peinture ferraraise a représenté, dans le palais de Schifanoja, la vie oisive et fastueuse de Borso d’Este. De telles âmes ne devaient pas demander aux lettres des leçons trop hautes. Puis l’influence des femmes s’exerçait sur les poètes d’alors, comme sur les romanciers de la Table-Ronde. Une Isabelle d’Este, marquise de Mantoue ; une Éléonore de Gonzague, duchesse d’Urbin, n’étaient pas moins écoutées aux jours de l’Arioste qu’une comtesse Marie de Champagne ou une Aëlis, reine de France, aux jours de Chrétien de Troyes. Aux plus vertueuses de ces belles dames, il ne convenait pas, semblait-il, de ne parler que d’interminables batailles. Sans doute l’austérité des vieilles chansons de