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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

un oiseau, une sirène. Leurs assauts méritent d’effrayer, mais rien n’est plus redoutable, dans ce mystérieux jardin, que la musique de la gent ailée, la voix même de la sirène. Roland a cueilli des roses dans le beau parterre, et il a fait de ces roses des tampons pour se boucher les oreilles. C’est ainsi qu’il arrive au lac de la sirène, petit, profond et limpide, dont les eaux claires et cristallines ont englouti bien des vies. La sirène chante suavement, mais Roland, grâce aux roses salutaires, ne peut l’écouter ni même l’entendre. Par les cheveux il la traînera hors de son lac, et lui tranchera la tête, comme Persée à la Gorgone. En suivant les conseils du livre, il surmontera tous les dangers et tous les obstacles. Qu’est-ce que ce livre ? Un talisman ? Une doctrine philosophique ? C’est une idée ingénieuse que d’avoir donné la forme du livre aux vieux talismans des pays de féerie, car, même sur le terrain de la vie réelle, des hommes ont traversé impunément des jardins périlleux parce qu’ils avaient soin de porter fidèlement dans leur cœur le trésor d’un sage petit volume.

Roland arrive à la plante dont une seule feuille arrachée fait s’évanouir tout le jardin. Il obéit au livre, et toute cette beauté décevante s’efface en une seconde. Seule demeure la fée Falérine, liée au tronc de l’arbre et pleurant sur la ruine de son domaine enchanté. Elle confesse qu’elle a fait ce jardin pour se venger d’un chevalier et de sa dame, que morts pouvaient être tenus tous ceux qui y arrivaient ; qu’elle reconnaît avoir mérité de périr, mais que, si Roland la tue, aucun des prisonniers qu’elle retient ne sera maintenant délivré.

Une nouvelle conquête s’impose à Roland : celle