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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

merveilleux. Un laurier lui barre le chemin. Il le coupe de son épée, et ce laurier se transforme en une belle et séduisante jeune fille qui l’entraîne à jurer qu’il ne l’abandonnera jamais. Elle l’attire dans la rivière, comme ces ondines dont parlent les légendes du Nord, mais il s’agit de la symbolique rivière du Rire. Un palais de cristal s’élève sous ses ondes, et les chefs guerriers y dansent avec des naïades, comme, trois ans après la publication de ce livre, danseront les chevaliers français, avec les riverains du beau fleuve italien, le Pô.

Gradasso suit Roger ; devant lui c’est un frêne qui se dresse pour l’empêcher de passer ; de son épée, il coupe ce frêne qui prend la forme d’un beau coursier superbement harnaché. Gradasso l’enfourche et le coursier le précipite dans la rivière fatale. Il se met à danser comme ses compagnons, et Bojardo peint leur allégresse en vers pleins d’amoureuse volupté. Brandimarte est le dernier venu. C’est lui qui porte les quatre couronnes de roses données par Fiordelisa, inspiratrice de leur voyage et conseillère de leurs actes. Il poursuit sa route, brisant ça et là des branches avec son épée, et sans se soucier des êtres bizarres qui se lèvent sur son passage. Il arrive enfin à l’eau magique, et, oublieux de tout, il va s’y précipiter… Mais il est, lui, l’époux aimé de Fiordelisa. Et de loin, la beauté et la sagesse de sa dame le protègent encore. Il saura poser à temps la couronne de roses sur sa tête, puis il coiffera ses compagnons des fleurs salutaires, et ils abandonneront la danse des naïades, ils sortiront du fleuve, ils seront libres.

L’allégorie de ces jardins délicieux et mortels, de ces fontaines attirantes et funestes, est facile à com-