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LES JARDINS FÉERIQUES DE LA RENAISSANCE ITALIENNE

au milieu d’allégories ne manquant ni de mélancolie, ni de malice, ni de fantaisie, mais ces allégories ne constituent pas une féerie, bien qu’Arioste nous y fasse apparaître les Parques, vénérables aïeules des fées.

La douleur de Roland est décrite avec des accents de passion et de beauté, qui rehaussent l’étourdissant poème, et cependant l’Arioste ne veut pas que Roland absorbe tout notre intérêt ; il en exige une part pour Roger et Bradamante, qui donneront naissance à la future famille d’Este, et qui, méritant pour elle certaines prédilections du destin, deviendront le centre principal des influences féeriques.

Que dire de l’ensemble ? C’est un cortège, une chevauchée emportée dans un tourbillon de fanfares. Hommes et femmes se précipitent. Toutes les épées sont fantastiques, tous les bijoux sont merveilleux. Nulle part, ailleurs, on ne vit pareils écrins féeriques. N’essayez pas un anneau, ne touchez pas un bracelet, avant de savoir quelles en sont les propriétés mystérieuses. Ne froissez pas un arbuste : il soupirera et se plaindra, et c’est l’âme d’un preux qui pleurera dans ses rameaux. Surtout ne franchissez pas le seuil d’un palais inconnu : sait-on les pièges qui vous y guettent ? Évitez même de caresser un petit chien, il sera peut-être la fée Manto, tour à tour serpent ou chien, quand elle n’est pas une belle jeune femme, et si, pour donner la richesse à l’un de ses favoris, elle prend cette forme de petit chien, comment affirmer que vous auriez l’heur de lui plaire ?

Ah ! quel monde étrange est celui-là ! Les choses ont une tendance à ne jamais y être ce qu’elles paraissent. Mais vous n’avez le temps ni de vous étonner, ni de protester. Les princesses de féerie succè-