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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

palais enchanté, comme des amoureux de Marivaux à travers les détours de leur propre cœur. Ce palais d’Atlante où l’homme erre à la poursuite de son rêve exista-t-il jamais ailleurs que dans le cœur humain ?

Déçu, vaincu, le vieux magicien mourra. Roger, accompagné des deux belles guerrières Bradamante et Marphise, arrive un jour près d’une tombe de marbre. Le poète nous dit qu’il aime Bradamante d’un amour de flamme, et qu’il éprouve à l’égard de Marphise un sentiment qui tient de la bienveillance. Mais Bradamante ne comprend pas ce sentiment, et elle est jalouse de Marphise. L’endroit où s’arrêtaient nos héros ressemblait à un bosquet. Des vers étaient inscrits sur le tombeau de marbre, mais ils ne songeaient point à les lire, pareils en cela à tant de voyageurs qui ne déchiffrent que leur âme, en cheminant par des contrées diverses. La fureur de Bradamante provoquait Marphise au combat, lorsqu’une grande voix sortit de la tombe de marbre. C’était la voix d’Atlante. Vivant, il avait trompé les hommes par ses enchantements auteurs d’illusions ; mort, il les apaisait par la vérité. Après avoir séparé Roger de Bradamante, il les réconciliait. Il leur apprenait que Marphise était, en réalité, la sœur de Roger.

Cela contribue à faire du vieil Atlante une des figures les plus étranges et les plus originales du royaume de féerie. Tout à sa tendresse aveugle, nous le voyons d’abord en lutte contre la destinée supérieure de son élève Roger ; après sa mort, comme pour réparer l’œuvre mauvaise de sa vie, il aide à sceller cette destinée.

Ainsi, dans l’épopée d’Arioste, se dessine le personnage d’Atlante, depuis le jour où, cuirassé de lumière, il chevauchait magnifiquement l’hippogriffe