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LES JARDINS FÉERIQUES DE LA RENAISSANCE ITALIENNE

et brûlante, Armide conserve quelque chose de cette plaintive suavité qui semble échappée de l’âme même du Tasse.

Les adieux de Renaud et d’Armide n’ont pas manqué d’inspirer Glück. Ils sont glorieusement beaux, d’une beauté de souffrance et de désolation, que surpasse encore peut-être dans sa douceur le fameux « Amico, hai vinto » tombé des lèvres de Clorinde expirante.

« Va-t’en, s’écrie Armide, dolente più che nulla, passe la mer, combats, travaille, lutte contre notre foi. Que dis-je ? Ah ! non plus mienne ! Fidèle, je ne le suis qu’à toi seul, ma cruelle idole… Qu’il me soit seulement permis de te suivre ! » Elle veut se venger, elle veut s’humilier, elle veut être ennemie, elle veut être esclave. « Armide, dit tristement Renaud en suivant les deux messagers de ses compagnons d’armes, tu as erré, c’est vrai, outrepassant les mesures, soit dans l’amour, soit dans la haine. » Abandonnée, la magicienne se souviendra de son immense pouvoir, et elle appellera l’orage pour la destruction du jardin délicieux et du palais féerique dont Renaud s’est enfui.

Telle fut la fin du jardin d’Armide, le dernier de ces jardins périlleux et passionnés qui fleurirent les épopées de la Renaissance. La terre et le rêve de l’Italie leur furent propices. L’île fortunée d’Armide fait songer à cette autre île, rêvée par Pétrarque dans son Triomphe de l’amour : « Où la mer Égée soupire et se plaint, gît une petite île molle et délicate, plus qu’aucune autre éclairée par le soleil et baignée par la mer… »

La soif de vengeance, d’abord, l’emporte chez Armide. Une fureur nouvelle l’anime contre ces