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LES JARDINS FÉERIQUES DE LA RENAISSANCE ITALIENNE

l’heure s’avance, les sérénades meurent au pied des terrassées de myrtes et d’orangers, il ne reste plus que des choses éternelles : la solitude, le silence rythmé par le battement de la vague sur une grève, le pur sourire des innombrables étoiles sur la cime du mont des Oliviers, le tintement d’une cloche lointaine au campanile de quelque monastère, le premier rougeoiement de l’aurore au bord d’un ciel où les arbres nocturnes commencent à s’effacer.

Quindi notturne, e quindi mattutine
Bellezze incorruttibili e divine

Ceux qui ont lutté, souffert, aimé, pleuré, s’apaisent, guérissent, expient et se consolent. C’est l’heure où Clorinde demande le baptême, de sorte qu’elle pourra dire à Tancrède : « Ne te chagrine pas de m’avoir ôté la vie mortelle puisque, en me l’enlevant, tu m’as fait don de la vie éternelle. » C’est l’heure où Renaud ayant quitté le séjour d’Armide partira pour l’entreprise expiatoire, d’où il reviendra assez fort pour conquérir à son tour l’âme de la magicienne.

Le Tasse mourut en 1595, quinze ans après la publication de la Jérusalem délivrée : il mourut en un jour de printemps, assez loin de Ferrare, dans le délicieux couvent de Saint-Onuphre qui garde une Madone du Vinci, et dont la terrasse domine la solennelle beauté du paysage romain. Cadre exquis pour la pacification d’une âme de poète ! Sait-on ce que fut sa vie persécutée et torturée de scrupules ? Sait-on ce qu’il y eut de vrai dans ses légendaires amours ? Il nous suffit de reconnaître en lui le chantre de Clorinde et d’Armide, et de le