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FÉES ET FÉERIES DANS L’ŒUVRE DE SHAKESPEARE

sources claires, aux lignes nobles, aux ombres fines, c’est un bois capricieux et touffu dont les fontaines s’embuent de vapeurs légères traversées de rayon de lune, et dont les ombrages sont mystérieux comme ceux d’un parc anglais. Titania elle-même ne saurait se draper dans les beaux plis de la Grèce antique ; il y a plus de fantaisie dans sa parure, on la verrait plutôt revêtue de tuniques faites en pétales de rose, et de manteaux en ailes de papillon. Et Shakespeare, avec une tendre ironie, nous fait savourer tout ce qu’il y a de mélancolique dans la passion de cette subtile créature pour le grotesque Bottom à la tête d’âne. Ici, la pauvre fée est franchement dupe, ce qui l’éloigne bien des Aleines et des Armides ; et elle ne ressemble pas davantage à la douloureuse et pathétique Mélusine qui chantait les malheurs futurs de sa race, et laissait çà et là des pierres amoncelées en édifices, comme trace durable de son passage, tandis que les herbes emperlées n’ont même pas subi le moindre froissement sous la danse étincelante de Titania. C’est le Songe d’une nuit d’été. Sort-il des vapeurs du lac ou du calice des fleurs ? Et que reflète-t-il de la vie, sinon, précisément, cette ironique tendresse de Shakespeare pour la grande duperie qu’est parfois l’amour, et dont il eut lui-même à souffrir ? À travers toute la pièce court un rire léger mouillé de larmes.

Pareil imbroglio ne se vit jamais, sinon peut-être dans le cœur même de Shakespeare quand il n’arrivait point à démêler son mépris de son amour.

« Les yeux de ma maîtresse ne sont en rien comme le soleil, et le corail est beaucoup plus rouge que ses lèvres… J’aime à l’entendre parler, et cependant je sais que la musique est beaucoup plus agréable que