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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

oublier les récits merveilleux qui, dans le vague ; du demi-sommeil, flottaient si joliment sur la voix douce de ses berceuses ! C’est un témoin, le premier valet de chambre La Porte, qui nous l’apprend :

« L’an 1645, nous dit-il, après que le roi fut tiré des mains des femmes, que le gouverneur, les sous-gouverneurs, les premiers valets de chambre entrèrent en fonctions de leurs charges, je fus le premier qui couchai dans la chambre de Sa Majesté, ce qui l’étonna d’abord ne voyant plus de femmes auprès de lui, mais ce qui lui fît le plus de peine était que je ne pouvais lui fournir des contes de Peau d’Âne avec lesquels les femmes avaient coutume de l’endormir. »

La Porte méprisa cette coutume et remplaça le récit des contes par la lecture de livres d’histoire qui eurent sans doute le résultat d’endormir plus vite encore le jeune roi, mais qui lui laissèrent au cœur, j’en suis sûr, le tendre regret des contes de Peau d’Âne, quoiqu’il n’osât peut-être plus l’avouer.

Pauvre petit Louis XIV ! Ayant appris les inconvénients du métier royal, il s’amusait, dans ses jeux, à faire le valet, ce qui lui attira les réprimandes du même La Porte et d’Anne d’Autriche. Il fut si dangereux pour une reine de jouer à la laitière que nous n’osons pas trop les blâmer, mais si c’est à ce prix qu’on devient le Roi-Soleil, heureux les simples mortels dont l’enfance eut le droit d’aimer les contes de fées, et aussi d’être un peu folle !