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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

l’idole. « Un roi, tout roi qu’il est, est malheureux s’il y pense, » écrit Pascal. Il ne tenait pas à Fénelon que son élève n’y pensât. Dans ces jolis contes, tout, semble-t-il, converge au même but. Le même canevas reparaît avec des variantes et d’autres personnages, ou les mêmes personnages sous des noms différents. Ce sont la vieille reine et la jeune paysannes qui échangent l’une sa royauté contre la jeunesse de l’autre, l’autre sa jeunesse contre la royauté de la première. Ni l’une ni l’autre n’est, d’ailleurs, contente de son nouveau sort. De là nouvel échange. La vieille reine meurt bientôt. Péronnelle, la jeune paysanne, se trouve lotie de trois prétendants, et elle hésite entre eux avant de fixer son choix : l’un est un vieux et riche seigneur, l’autre un jeune noble très pauvre, le troisième un bon laboureur. Alors un éclair de psychologie aiguë et désenchantée traverse ce monde de marionnettes féeriques : c’est le conseil donné à Péronnelle de ne pas épouser le vieux seigneur parce qu’il l’aimerait trop, ni le jeune noble, parce qu’elle l’aimerait trop, mais le simple laboureur, parce qu’il l’aime modérément, ni trop, ni trop peu, et qu’elle vivrait une vie normale.

Une autre jeune paysanne est vouée au malheur parce que sa beauté exceptionnelle et son esprit extraordinaire lui valent une couronne. Ce que Fénelon s’attache à montrer à son élève, c’est la bénédiction qui plane sur les destinées communes, et la détresse et l’épreuve inséparables des destinées éclatantes. Un trop grand amour, une trop grande beauté, une trop grande puissance, telles sont les sources des plus profondes misères : « Ô qu’il est dangereux de pouvoir plus que les autres hommes ! » s’écrie un de ses personnages. Pensée utile à méditer pour le petit