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LES FÉES DE LA FRANCE CLASSIQUE

fils de Louis XIV ! Le Fénelon de ces contes n’est pas le Fénelon mystique dont le « sublime », pour parler comme Saint-Simon, s’était un moment amalgamé avec le « sublime » de Madame Guyon ; il ne songe nullement à perdre terre ; il semble moins s’inspirer des préceptes d’austérité chrétienne que des conseils de modération donnés par la philosophie antique. Ses jeunes paysannes appartiennent à une humanité de fantaisie, parente de celle de Télémaque. On dirait (qu’elles n’ont qu’à garder les moutons, à boire du lait pur, à danser sur la bruyère, à chanter des chansons naïves. L’âpre souci du pain quotidien semble leur demeurer inconnu. Elles annoncent les bergères du dix-huitième siècle, et Marie-Antoinette, en jouant à la laitière, ne s’écartera pas beaucoup de cette conception : « J’aime mieux, dit Corysante, être jeune et mangeur du pain noir et chanter tous les jours en gardant mes moutons que d’être reine comme vous dans le chagrin et dans la douleur. » Cela rappelle la phrase d’Achille : « J’aimerais mieux être laboureur parmi les vivants que roi parmi les morts », comme un Saxe rappelle un marbre. La vieillesse, la maladie, la mort, sont les épreuves communes à l’humanité. Fénelon revient perpétuellement sur ce thème. Peu lui importe que ses bergères dansent perpétuellement et chantent tout le jour : cet optimisme voulu contraste avec le sombre réalisme dont nous parlions tout à l’heure, et dont il use pour peindre les misères royales sous l’aspect le plus hideux.

Hélas ! Ces misères royales, un siècle ne passera pas avant de les avoir dramatisées au delà de ce que pourrait imaginer le cerveau le plus hardi. Shakespeare avait été leur poète, mais l’auteur de Richard II, de Richard III, de Henri VIII, le peintre des rois