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LES FÉES DE LA FRANCE CLASSIQUE

écervelées comme cette comtesse de Murat, digne amie de la comtesse d’Aulnoy, foraient présager ce qu’il adviendra de son successeur. L’hypocrisie n’est pas le vice de ces belles conteuses ; et le peu de cas qu’elles font de la morale, elles trouvent parfois le moyen de l’insinuer dans leurs menus contes.

Perrault n’aurait rien imaginé de pareil aux aventures d’Anguillette ou, plutôt, de la protégée d’Anguillette, Hébé. Anguillette est une fée contrainte à se cacher parfois sous la forme d’une anguille ; ainsi métamorphosée, elle est pêchée, jetée dans un bassin, et repêchée pour la table du roi, quand une jeune princesse, apitoyée, lui sauve la vie en la rejetant à l’eau. Par reconnaissance elle dote cette jeune princesse de tout l’esprit et de toute la beauté que peut souhaiter une mortelle, mais ni cet esprit, ni cette beauté ne seront des gages de bonheur. La jeune fille, qui s’appelle désormais Hébé, s’éprendra du volage Atimir. Atimir étant infidèle, Anguillette marie sa protégée au prince de l’île Paisible, et lui interdit de chercher à revoir celui qui l’a désespérée. Mais Hébé ne tient pas compte de cette défense ; elle se lasse sans doute du séjour heureux de cette île Paisible, et elle entraîne son mari à voyager. Elle retrouve Atimir, également marié ; mais chez lui comme chez elle, l’ancien amour se réveille, et lorsque les deux princes vont se mesurer dans un tournoi, le prince de l’île Paisible n’est pas seul à porter les couleurs d’Hébé. Elle éprouve une joie cachée, « dont ne put la défendre toute sa raison », dit Mme de Murat, dont la raison n’était pas le fort.

Toute cette histoire finit par un combat funeste. Atimir meurt, le prince est grièvement blessé, Hébé succombe à son chagrin, et la fée Anguillette, qui rend vie et santé au prince de l’île Paisible, le ramène en