Page:Félix-Faure-Goyau - La vie et la mort des fées, 1910.djvu/288

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
276
LA VIE ET LA MORT DES FÉES

ce pays où le souvenir d’Hébé perdra sa tristesse. Hébé et Atimir sont métamorphosés en deux arbres jumeaux et voisins que l’on appelle des charmes. Mme de Clèves n’aurait pas goûté la secrète indulgence de ce dénouement. Et nos belles cornéliennes auraient méprisé cette île Paisible, où le cœur trouvait un refuge contre de romanesques douleurs.

Cependant, si l’on se penche attentivement sur ces petits contes un peu vides et factices, il n’est pas impossible de discerner çà et là quelque trace des âmes féminines qui s’y sont dépeintes. Par exemple, Mme de Murat nous énumère les péripéties que traverse l’amour de Jeune-et-Belle pour un berger charmant. Jeune-et-Belle est fée, fille d’une fée, et sa mère, qui expérimenta le chagrin de voir le déclin de sa beauté se refléter dans les yeux de celui qu’elle aimait, lui a donné le prestige d’une jeunesse perpétuelle et d’une inaltérable beauté. Mme de Murat, à qui vieillir fut cruel, par la mauvaise orientation qu’elle imprima à sa vie, nous fait, à son insu peut-être, dans Jeune-et-Belle, la confidence d’un chagrin précoce ou d’un vague pressentiment. Mais Jeune-et-Belle conquerra sans peine le cœur de son beau berger. L’influence d’une mauvaise fée traversera cet amour, et finira par être vaincue. Jeune-et-Belle sera heureuse, avec son bien-aimé, mais la petite révoltée aux dispositions anarchistes, qu’est cette plus séduisante que recommandable comtesse de Murat, conclura par cette moralité fort amorale : « L’hymen ne se mêla point de finir une passion qui faisait la félicité de leur vie. » Ce livre est dédié à la princesse de Conti, fille de Louis XIV et de La Vallière, la belle princesse de Conti, dont les allures scandalisaient fort Mme de Maintenon.