Page:Félix-Faure-Goyau - La vie et la mort des fées, 1910.djvu/289

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
277
LES FÉES DE LA FRANCE CLASSIQUE

Ce qui caractérise cette étrange et folle Murat, c’est le luxe de son imagination. Elle excelle dans l’art des descriptions féeriques, elle sait user du coloris de circonstance. Elle donnerait des leçons à tous nos metteurs en scène de féeries actuelles. Voyez, par exemple, dans le conte qui porte le titre d’une sentimentalité subtile et quelque peu maniérée, l’Heureuse Peine, comment l’auteur nous représente le palais de la fée Formidable et la tour de la fée Lumineuse. Mme de Murat pourrait inspirer des peintres. Et, dans l’histoire de Jeune-et-Belle, son imagination, qui a le style de son temps, voit s’animer des tritons et des sirènes capables de figurer dans la décoration de Versailles.

Mme de Murat nous semble, au dix-septième siècle, une avant-courrière du dix-huitième. Tout autre est cette petite Mlle Lhéritier, qui eut comme amies Mme de Longueville, Mme de Murat, Mlle de Scudéry, Mme Deshoulières, et qui édita les Mémoires de Mme de Longueville. Elle unissait le goût de la morale à celui de l’esprit, et le conte de Finette ou l’Adroite Princesse, tiré d’un vieux fabliau, et redit par les gouvernantes aux enfants du dix-septième siècle, est, dès 1696, retracé par sa plume de si jolie façon, que notre esprit ne le sépare guère de ceux de Perrault. Quant à Mme d’Auneuil qui, en 1702, dédie son œuvre : la Tyrannie des fées détruite, à la duchesse de Bourgogne, je ne sais si elle prétendait porter le coup de mort aux fées, mais elle se plut à énumérer tous leurs crimes. Celles qu’évoque son récit s’appellent Rancune, Cruelle, Ennuyeuse, Impérieuse, Violente. Il n’y a que la bonne Serpente, qui trouve grâce à ses yeux : Serpente, condamnée, par la méchanceté de ses sœurs, à revêtir trois fois par an la