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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

s’asseyait sans doute devant une table à écrire, et elle travaillait posément, consciencieusement, pour le Magasin des Enfants ou pour celui des Jeunes Dames et des Adolescents. À Londres, en 1780, elle fonda le Nouveau Magasin français. Cela seul témoignerait de préoccupations auxquelles, pour la plupart, les conteuses des salons d’autrefois demeuraient étrangères.

Mme de Beaumont comme Mme de Maintenon était née institutrice, mais elle n’avait pas les moyens de fonder quelque pensionnat analogue à Saint-Cyr. Pour s’en dédommager, elle composa de charmants récits : la Belle et la Bête, par exemple, qui demeure un chef-d’œuvre du genre, ou le Prince Désir et la Princesse Mignonne, d’une moralité fine et judicieuse.

Il ne faut pas demander à ses jolies phrases sur les devoirs des princes envers leurs sujets (lisez la Fée aux Nèfles) ou sur l’esprit de sacrifice (lisez la Belle et la Bête) une palpitation de vie qui nuirait à la mesure de ces agréables récits : les phrases sensibles du dix-huitième siècle ressemblent à ces urnes décoratives de la même époque, qui n’ont jamais eu mission de contenir quoi que ce soit ; ou à ces panetières enrubannées, autres motifs de panneaux, lesquelles n’ont jamais nourri personne.

Malgré cela Mme de Beaumont sut, dit-on, mettre dans sa vie ce qui rehausse la dignité d’une existence humaine, et ceux mêmes qui l’ont oubliée, quand ils apprennent qu’elle écrivit la Belle et la Bête, s’attendrissent en évoquant les premières joies de leur enfance : une lanterne magique au fond d’une chambre de province, ou la voix chantante d’une vieille conteuse, redisant pour la centième fois l’amour filial de