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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

cher ; elle aimera tout simplement le beau héros de la pièce. Un moment, il est vrai, l’histoire se complique par la trahison passionnée de l’amoureuse Adelma. La suivante aime le prince, et le prince aime Turandot. Gozzi s’élève à la poésie en nous dépeignant la passion malheureuse, exaspérée, de cette pauvre Adelma. J’ai l’idée qu’il a retenu certains accents d’une ardente petite Dalmate. En tout cas, cette comédie « puérile et charmante » nous dit Paul de Musset, fit son chemin à travers le monde : elle fut traduite par Schiller et commentée par Hoffmann.

Dans la Femme-serpent, la fée Chérétane, autre héroïne de Gozzi, n’a nullement besoin d’être convertie à l’amour, car elle aime déjà tendrement et fidèlement son époux. Elle l’aime d’un amour capable de sacrifice. Aussi veut-elle devenir mortelle pour partager son sort. Leur bonheur ne peut être assuré que si celui-ci, malgré de terribles apparences, ne se laisse point aller à la maudire. Il s’agit toujours, en somme, d’une confiance qui fait défaut, que ce soit la mésaventure de Psyché, d’Elsa dans Lohengrin, du mari de Mélusine ou du héros de Gozzi. Après la malédiction la pauvre Chérétane est transformée en serpent, comme notre Mélusine, mais pour Chérétane, plus heureuse que Mélusine, l’amour répare ce que la défiance a commis. Lorsque, reconnaissant sous cette horrible enveloppe l’esprit charmant de la malheureuse fée, son mari lui donne un baiser, celle-ci reprend la forme de femme sous laquelle il l’a aimée. Puis, comme si Chérétane jugeait que le bonheur est chose fragile parmi les hommes, elle s’empresse de mener son mari et ses enfants vivre avec elle dans ses féeriques royaumes d’Eldorado.

Petite fée d’Eldorado qui, à mi-chemin de la féerie