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LA FÉERIE ALLEMANDE : LES GRIMM

Ils en interrogèrent bien d’autres : commères de village, vieux paysans, pâtres, bateliers, musiciens et chanteurs ambulants. Que de voyageurs avaient sans doute parcouru les mêmes routes, dormi sous le toit des mêmes auberges, causé avec les mêmes passants, et n’avaient pas su deviner le parfum de poésie qui sommeille dans les profondeurs des âmes simples et s’élève ingénument, aux heures de silence et de repos, lorsque les vapeurs du soir montent doucement vers les étoiles !

Jacques Grimm avait connu les avances de la diplomatie, mais il avait su résister à la perspective d’une carrière pompeuse. Fils d’un greffier de district, et d’abord secrétaire de légation, il s’était retiré comme sous-bibliothécaire à Cassel, pour se consacrer à de profonds travaux. Il y vécut dans le ménage de son frère Guillaume, marié à Henriette Dorothée Wild. C’était une douce et discrète personne, qu’Henriette Dorothée, une ménagère soigneuse et attentive, une de ces fées du foyer dont la silencieuse influence met tant de douceur dans la vie d’un homme de pensée et d’érudition. Elle tint avec un dévouement unique le ménage de ces deux savants qu’elle appelait en riant « mes deux maris ».

Vie très simple, et bien différente, assurément, de celle à laquelle les chances d’une carrière diplomatique eussent entraîné les frères Grimm, vie dont les événements furent le congrès germanique de 1846, où Guillaume annonça le projet d’un dictionnaire et en esquissa le plan ; ce parlement de 1848 où Jacques fut député ; les travaux sur la grammaire allemande, sur la mythologie allemande, sur l’histoire de la langue allemande, exécutés par Jacques. Les deux frères se montraient curieux de poésie et de croyances