Aller au contenu

Page:Félix-Faure-Goyau - La vie et la mort des fées, 1910.djvu/326

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
314
LA VIE ET LA MORT DES FÉES

sonnifie également la neige, mais sous les traits d’une belle et étrange épouse qui disparaît aussi mystérieusement qu’elle est venue. À en juger par quelques traductions de Lafcadio Hearn, l’art japonais excelle à créer des âmes qu’il prête aux choses et qu’il nous laisse deviner un peu différentes des âmes humaines. La brave Mme Hollé des Grimm est plus prosaïque et plus bourgeoise. Mais que je vois bien la grand’mère allemande, ses lunettes sur le nez — comme j’imaginais tout à l’heure Mme Hollé, en personne — assise dans le fauteuil auprès du poêle, pendant que la neige tombe au dehors, et racontant les vieilles et symboliques légendes aux petits enfants, qui ne rêveront pas pour la puissante et invisible Mme Hollé d’autre aspect ni d’autres occupations que l’aspect et les occupations de leur aïeule.

Ce n’est pas qu’il n’y ait aussi, dans Grimm, des rois, des reines, des princes, des princesses. Mais si étrangers sont-ils à la réalité de la vie populaire, qu’ils portent le nimbe du rêve et ne se distinguent nullement de la féerie ; la petite princesse du Roi Grenouille, par exemple, dort dans un petit lit de soie rose, mange dans une petite assiette d’or, et joue avec une petite boule d’or qui tombe dans la fontaine d’où la grenouille la lui rapportera, cette grenouille destinée à reprendre sa forme de prince Charmant, lorsque la belle joueuse aura tenu ce qu’elle avait promis.

Comme elle est simple et primitive, cette vision de la royauté ! D’ailleurs le conte est délicieux, mais comparez-le à ceux de Perrault, tout imprégnés du style qui convient à la cour vivante et réelle du Grand Roi, vue par un proche spectateur. De tout cela se dégage une philosophie, humble et populaire, prônant volontiers la médiocrité, la modération dans