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LA FÉERIE ALLEMANDE : LES GRIMM

les désirs, la sincérité, le manque de détours ; elle ne se distingue pas beaucoup de celle que poétise le chœur antique, en représentant le commentaire du peuple sur les aventures des grands ; ainsi que lui, elle est sous l’influence de cette commune sagesse qui sert de sol à tous les édifices de l’humaine philosophie.


III


Le conte du Pêcheur et sa Femme apparaît comme un des plus profonds. Cette femme de pêcheur se souhaite tour à tour une chaumière, un château, un royaume, un empire, puis elle veut être égale à Dieu… Le poisson féerique, qui n’est autre qu’un prince enchanté, lui accorde la réalisation de tous ses désirs, à l’exception du dernier qui est impie et mérite qu’elle soit précipitée du faîte de sa merveilleuse fortune : elle retrouve sa misère primitive. « Pierre (le pêcheur) en prit vite son parti et retourna à ses filets, mais jamais plus sa femme n’eut un moment de bonheur. » Heureux Pierre ! Plus heureux dans l’humilité de sa cabane, que l’insatiable Isabelle, sa femme, dans la splendeur de son palais ! Le villageois ou l’artisan qui écoutait, pensif, l’histoire de Pierre le pêcheur, telle qu’on la disait à la veillée, pouvait en faire son profit pour l’orientation de sa propre vie : « Les pièges de votre destinée sont dans votre propre cœur, » semblait dire la morale du conte.

Le petit enfant bercé par la légende du Pêcheur et sa Femme, s’il ne donne au problème de la vie une haute solution religieuse, écoutera la philosophie qui