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LA FÉERIE ALLEMANDE : LES GRIMM

empoisonnée. Les gnomes, qui la pleurent, l’enferment dans un cercueil de verre. Elle y garde toute sa beauté, comme les mystérieuses endormies auxquelles elle s’apparente, depuis la Brynhilde de l’Edda, jusqu’à notre Belle au Bois dormant. Le jeune prince qui l’aperçoit demande, pour lui faire honneur, la garde de la belle morte, et les gnomes apitoyés sur sa douleur se mettent en devoir de transporter le cercueil de verre dans son palais, quand le mouvement du transport fait tomber le funeste morceau de pomme arrêté dans la gorge de Blanche-Neige, et elle revient à la vie pour épouser le prince amoureux. Cette belle endormie dans une prison de cristal sous la garde des gnomes des montagnes semble être le symbole, non du printemps, mais de la neige, ainsi que le confirme son nom.

Sans doute ce conte fut inspiré à la poétique rêverie des vieilles conteuses par le spectacle de la neige s’attardant au sommet des montagnes, à l’heure où poignait l’aube des beaux jours. Elle demeure avec les nains au delà des monts, disait de Blanche-Neige le miroir magique. Et les monts, les premiers, la voient reparaître. Mais peut-être ce conte vient-il de plus loin, de quelque ancienne mythologie septentrionale…

Blanche-Neige, endormie au delà des montagnes dans un cercueil de verre, ne repose-t-elle pas, au-delà des collines prochaines et familières, sur des sommets plus lointains, plus inaccessibles, plus mystérieux !… Et le cercueil de verre où elle dort a la transparence du clair de lune. Le beau prince Hiver en fera sa fiancée. Il a d’autres joyaux que son frère le printemps, mais la couronne de givre et de perce-neige qu’il posera sur le front éblouissant de sa