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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

l’histoire du mort libéré, devenu libérateur. Les villes, les bateaux, reparaissent et revivent. Quels beaux résultats pratiques pour une action qui semblait ne pas l’être ! c’est que nos moindres gestes ont, à travers le monde invisible, des prolongements ou des répercussions dont nous ne mesurons pas la portée, et que ce monde invisible réagit à son tour sur le monde visible. Nous rétrécissons à plaisir notre champ et nos moyens d’action… Que de montagnes de verre pèsent sur les cerveaux, les cœurs, les esprits des êtres humains !

Le courant chrétien et le courant païen se côtoient et se confondent dans une multitude de récits, et rien ne nous instruit mieux, que ces rencontres illogiques, de la mentalité primitive des peuples. Purement chrétienne, par exemple, est l’inspiration de ce conte de Bechstein, où nous voyons le roi grièvement puni pour avoir effacé des Livres saints le sublime verset du Magnificat : Deposuit potentes de sede, etexaltavit humiles. Le Moyen Age avait ses fêtes des fous, jour où, exceptionnellement, les simples se trouvaient placés en haut de la hiérarchie, et où les princes, les évêques, les abbés, semblaient abdiquer leurs titres et leurs fonctions. Tout cela se passait au chant du même verset. Sous la folie voulue de ces solennités, il y avait une grande leçon.

Par contre l’Ilse de Bechstein est une païenne ; elle garde, avec sa houlette d’or, un troupeau à toison d’or, et elle a quitté le château du roi, son père, pour vivre parmi le peuple souterrain des nains, appelés grillons. Aujourd’hui, le château est en ruines ; Ilse, pâle, silencieuse et belle, vient s’asseoir aux environs de la caverne, sa houlette à la main, et, autour d’elle, paît le mystérieux troupeau. Ilse est un personnage