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LA FÉERIE DANS UN CERVEAU DU NORD : ANDERSEN

Beaucoup souriront de cette innocente histoire, et ils n’auront peut-être pas tort de sourire, s’ils comprennent qu’à côté du sourire, il y a place pour une larme. Dans ce climat du Nord, où l’homme a peine à s’évader de lui-même, il recueille silencieusement les émotions de sa vie. Le soleil se refusant à ses yeux, il s’incline sur son propre cœur pour y découvrir le moindre rayon.

Les grands passionnés plaident d’une façon moins touchante la cause de l’amour humain que ce vieillard qui n’eut pour alimenter la vie totale de son cœur que le parfum très vague d’un autre cœur à tout jamais perdu.

Mais Andersen aima d’amitié certaines personnes, entre autres la cantatrice Jenny Lind. Alors l’Angleterre et l’Allemagne l’avaient déjà fêté. Certaines demeures princières s’ouvraient devant le pauvre conteur danois. Un soir de Noël, Andersen se trouvant à Berlin se réjouissait d’aller passer la soirée chez sa grande amie Jenny Lind. Elle le crut engagé ailleurs et négligea de l’inviter. Andersen resta seul à regarder les étoiles : « Elles furent, dit-il, mon arbre de Noël. » Un glorieux arbre, certes, composé de l’espace et des mondes, au lieu des misérables petites bougies et des fragiles lanternes de papier qui s’illuminaient alors dans la ville, derrière les vitres roses de lumière, pour les familles groupées, serrées, joyeuses. Qui sait ? L’âme humaine est peut-être assez riche pour faire surgir un trésor de chaque renoncement ; ou, plutôt, Dieu donne la clarté des étoiles à ceux qui se privent de la lueur des chandelles.

Le pays d’Andersen ne l’adopta réellement qu’après que l’Allemagne et l’Angleterre lui eurent