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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

décerné la célébrité. Maintenant tous les enfants d’Europe lisent ses contes. Mais au Danemark seulement, par un beau soir du bref et pénétrant été, quelque paysan se met en mesure d’entonner une des Mélodies du cœur. C’est donc là que son souvenir, selon le beau vers de Shakespeare, vit le plus, « où le souffle est le plus vivant, sur les lèvres même des hommes ».


II


Tels furent le personnage et son existence. Comment apparaissent-ils à la lumière de cette œuvre, d’une indéfinissable étrangeté ?

La note en est entièrement donnée dans la suite d’impressions qu’il intitule Livres d’images. Est-ce une féerie ? Non pas, à proprement parler. C’est une fantaisie qui transforme la lune en conteuse, et fait du jeune poète son confident. Comme on s’amuse à peu de frais lorsqu’on a de semblables facultés de rêve et d’imagination ! Ce qui inquiète Andersen, c’est toujours la vie profonde et silencieuse des êtres, et cependant « je ne fais, dit-il, qu’indiquer de légers contours ». Il évoque de gentilles scènes d’enfance, ou la superstition touchante d’une jeune amoureuse au bord du Gange, les solitudes de l’Océan, les vastes horizons, la vision d’une Venise spectrale, et les contrastes de cette vie de théâtre qu’il a connue, le Polichinelle désolé pleurant sur la tombe de Colombine.

La légende qu’il intitule les Galoches du Bonheur éveille dans l’esprit à peu près les mêmes résonances que le livre d’images, mais elle se rapproche davan-