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LA FÉERIE DANS UN CERVEAU DU NORD : ANDERSEN

tage, de nos contes de fées, en ce sens que les galoches du bonheur remplissent le rôle d’un talisman. Et cela nous achemine vers la féerie d’Andersen qui, si spéciale qu’elle soit, présente tous les caractères d’une féerie. Mais c’est une féerie philosophique. Dans le vestibule du chambellan de Sa Majesté, se tiennent deux femmes mystérieuses, l’une jeune, l’autre vieille. La première est fille de chambre chez une suivante de la Fortune, et la seconde est en personne la fée du Souci. « Elle ne réclame jamais le secours d’un subalterne. » Comme cela, elle sait que les chagrins parviennent bien à l’adresse de ceux auxquels ils sont destinés, et elle ne se trompe pas comme cela arrive à la Fortune.

La soubrette-fée est une accorte et pimpante personne ; on ne la charge point de transporter les joies trop magnifiques et les aubaines par trop merveilleuses ; ce sont les menues faveurs qu’elle est appelée à distribuer. Elle a préservé de la pluie le chapeau neuf d’une bourgeoise, et procuré à un pauvre homme de mérite le salut d’un imbécile de haute naissance. Menues faveurs en effet, mais celui qui regarde vivre les hommes ne peut s’empêcher de sympathiser avec cette modeste fée qui met un peu de soleil sur des heures sombres, et un peu de baume sur d’amères blessures. Le cœur humain n’est pas si vaste qu’il ne puisse être parfois rempli par de très petites joies…

Et même, il ne faut pas toujours regarder de trop près la qualité de ces joies, d’après ce que nous suggère Andersen. Au fond, le pauvre homme de mérite nous semble quelque peu méprisable de mettre son mérite à si bon marché, qu’il puisse se réjouir du salut d’un sot. Mais si l’on y songeait bien, qui donc