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LA FÉERIE DANS UN CERVEAU DU NORD : ANDERSEN

tant aux jours passés. Le veilleur de nuit envie le sort du sous-lieutenant, mais lorsque son souhait s’est accompli par la vertu des galoches, il est trop heureux de se trouver veilleur de nuit comme devant. Ensuite sa fantaisie le mène visiter la lune. Un jeune garçon a l’idée de connaître les secrets du cœur de ceux qui l’entourent dans une salle de spectacle. Il y découvre d’étranges choses et n’a point le désir de tenter une nouvelle expérience. Un commis épris de poésie devient poète par la vertu des galoches. Rien n’est changé dans son extérieur. Il ne compose pas même des vers pour cela. « Les poètes, dit Andersen, sont faits comme les autres hommes, parmi lesquels on trouve parfois des natures bien plus poétiques que celles des faiseurs de vers attitrés. » En effet, la poésie exprimée est à la poésie profonde de la vie ce qu’est la légère et brillante écume des vagues, aux profondeurs de l’océan. Le commis poursuit la série de ses métamorphoses, et les souhaits accomplis se transforment en cauchemars. Un étudiant qui chausse les galoches est transporté, par leur vertu, de Suisse en Italie. Il souhaite d’être délivré de son corps, et son corps, au même instant, repose dans un cercueil. Sur ce cercueil se penchent la fée du Souci et l’envoyée du Bonheur. « Eh bien ! dit la première, quelle félicité tes galoches ont-elles apportée aux hommes ? — À celui qui dort là, répond l’autre, elles ont procuré un bien durable, une mort douce au printemps de la vie… — Tu te trompes, riposte la fée du Souci ; il a quitté ce monde avant que son âme fût mûrie, et qu’elle eût accompli sa destinée. Aussi ne jouirait-il pas de tout le bonheur auquel il aura droit après avoir traversé de plus dures épreuves. » Elle lui enlève les galoches.