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Page:Félix-Faure-Goyau - La vie et la mort des fées, 1910.djvu/407

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LA FÉERIE DANS UN CERVEAU DU NORD : ANDERSEN

scènes dramatiques arrangées par les auteurs, et ils ignorent tout du drame dans lequel ils vivent leur vie réelle ; ils ne voient pas ce qu’a de tragique la première rose qui fleurit, la dernière étape d’un demi-deuil, et comment la fêlure imperceptible d’un cœur altère la résonance d’une voix qui se veut glacée. « Il est indigne des grands cœurs de répandre le trouble qu’ils ressentent. » Une phrase comme celle de Mme Clotilde de Vaux renferme, pour la pensée humaine, autant de substance qu’une longue tragédie. Pour un minuit lointain qui vibre dans le silence de la campagne, à quelque clocher de village ou à quelque beffroi de petite ville, beaucoup ne sacrifieraient pas une soirée à l’Opéra. Mais Andersen préférerait le tintement de minuit aux combinaisons de la savante musique, et il n’a pas besoin de lire Nietzsche pour que lui soit signalée la poésie de minuit au cœur du silence. Il traiterait de naïfs ceux qui croient que la tragédie et le drame sont circonscrits dans la salle de spectacle, comme si, en ce qui concerne auteurs, acteurs, spectateurs, la vraie tragédie, le vrai drame n’étaient pas justement demeurés au seuil de cette salle, prêts à les ressaisir dès la sortie.


V


Ces contes, que nous abandonnons aux enfants, nous mènent à explorer tous les fonds de la vie. Que de leçons il y a dans la jolie fable de l’Ombre ! Et comme la princesse du conte est humaine de préférer l’ombre à la réalité ! Y a-t-il une signification philoso-