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L’ESPOIR DE KUNDRY

pécheresse absoute ne meure à cette vie pour conquérir son immortalité.

Heureuses les fées qui meurent ! nous dirait Mélusine, qui désira tant la mort et qui nous représente une des plus sages entre les fées. Avec quelle joie elle eût donné ses facultés et ses pouvoirs, afin d’obtenir une place de repos dans la chapelle, sous la pierre tombale des châtelaines de Lusignan ! Ce que le type de la grande fée poitevine nous aide à comprendre, c’est la beauté des destinées normales et la tristesse des destinées d’exception.

Mais le souhait de Mélusine et celui de ses sœurs Palestine et Melior, c’est encore le souhait de Kundry, « servir ! », et n’y a-t-il pas une parenté secrète entre celle qui se fait la servante des chevaliers du Graal, et celles qui deviennent les auxiliaires des chevaliers croisés ?

En somme, la véritable mort des fées, c’est leur rentrée dans l’ordre, c’est leur obéissance aux lois de la vérité, par laquelle elles font l’ascension du monde moral, et cessent d’être des fées pour n’être que de simples femmes, ce qui est beaucoup plus haut.

Les femmes sont toujours un peu fées quand, douées de facultés exceptionnelles, elles les asservissent à leurs caprices. Fées, c’est-à-dire enchanteresses et enchantées, et, par là même, comme étrangères au monde moral, jouets en quelque sorte de la fatalité.

Les Alcine et les Armide ont moins passionné la curiosité du quinzième et du seizième siècle que Kundry celle de notre dix-neuvième siècle ! Elles ne nous donnaient qu’un aspect de la corruption séductrice et somptueuse d’une époque, mais le dix-neu-