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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

le passant ne représente pas le danger ? Qui sait ce qu’annonce un coup frappé à votre porte, après le coucher du soleil ? Ne parlez pas aux inconnus, et n’ouvrez pas avant de savoir qui frappe. La catastrophe du Petit Chaperon Rouge est le résultat logique, et toujours à prévoir, d’un manquement aux lois nécessaires, établies par l’expérience des vieux. Les sympathies vont tantôt à la ruse du Petit Poucet, tantôt à la naïveté du pauvre Hans, mais la contradiction est, ici, moins flagrante qu’on ne le croirait. Le Petit Poucet de la féerie française symbolise la victoire de l’intelligence sur la force brutale. Le pauvre Hans de la féerie allemande symbolise la victoire de la bonté simple sur la malice et la moquerie. Mais Hans et Poucet ont un trait commun : c’est qu’ils sont des déshérités, et qu’ils monteront au faîte de la fortune. Voilà de quoi réjouir fort légitimement l’auditoire des veillées, qu’il soit de France ou d’Allemagne. Cela sert aussi d’excuse au Chat Botté. Malgré la méchanceté de l’Ogre, le lecteur est un peu inquiet de voir le prétendu marquis de Carabas pourvu si rapidement des biens de l’ogre assassiné, mais, marquis ou non, le troisième fils du meunier était un être pauvre et faible, et l’ogre un être redoutable et méchant.

Cette justice sentimentale et spontanée répare une injustice par une autre injustice ; elle est à fleur de nerfs ; elle ignore les répercussions profondes.

Tout autre est le caractère d’une certaine féerie moderne, lorsque, pour plaire à l’enfance, elle veut se revêtir de grâce et de naïveté. Alice au pays des merveilles, de M. Lewis Carroll, est riche de fantaisie ; une mélancolie voilée nous émeut à travers l’histoire de Piter Pan, l’enfant qui ne veut