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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

Gaulois croyaient leurs femmes divinement inspirées. Pourquoi Gwendydd ou Ganieda ne serait-elle pas elle-même fée, c’est-à-dire versée dans la science druidique ? Mais elle serait, elle, une fée convertie au christianisme. Elle avait renoncé au gouvernement de ses peuples nombreux pour vivre dans la pensée et dans la solitude ; elle aimait les bois, non plus pour y causer et y rire avec de jeunes pages, mais pour y méditer de hautes vérités et songer aux destinées de la patrie bretonne. « Ô mon frère, dit-elle, toi dont l’âme est si pure et si belle, je t’en conjure, reçois la communion au nom de Dieu, avant de mourir. » Merlin se révolte, non pas contre le christianisme lui-même dont la beauté s’impose à son âme errante, mais contre ces moines qu’il n’a connus que pour les vilipender, les attaquer et s’attirer leurs anathèmes.

« Je ne recevrai pas la communion de la main de ces moines aux longues robes ; je ne suis pas de leur Église. Que Jésus-Christ lui-même me donne la communion ! »

Ganieda s’éloigne en soupirant : « Dieu ait pitié de Merlin ! »

Des interprètes ont soutenu que Merlin refusait l’intervention de certains moines excommuniés, mais je ne suppose pas que Ganieda la lui offrit. L’unique souvenir que Merlin a des moines est celui des batailles qu’il leur a livrées ; et si, à demi converti par l’influence de sa sœur, il s’incline devant leur Dieu, son orgueil, lorsqu’on lui parle d’eux, sent se rouvrir des blessures mal cicatrisées. Mais le Ciel exauce la prière de Ganieda. Des moines viendront à Merlin, et ces moines seront des saints : il ignorait encore la douceur des saints.