Au barde celtique, le Seigneur envoie des moines celtiques, des saints mystérieux, habitués au rêve des mers brumeuses et tout auréolés de douces légendes : ce sont Colomban, Cantigern et Cadoc. D’où viennent-ils ? De quelques-uns de ces monastères des iles que saint Brendan visita dans sa jolie odyssée ? De cette île délicieuse, symbole de la vie monastique, où règnent la paix, le silence, la lumière spirituelle, où les troubles et les maux sont inconnus ? Si suave en est le parfum que, même après leur départ, les voyageurs le gardent sur leurs habits pendant quarante jours. Merlin l’a-t-il respiré dans les vêtements de Colomban ou de Cantigern ?
Monté sur un cheval noir, Colomban arrive d’Irlande. Il voit le barde plongé dans son obstination : « Je plains, dit-il doucement, la faible créature qui s’élève contre le Seigneur. » Cette parole triomphe de Merlin ; il s’incline, il se confesse : « Créateur des créatures, supplie-t-il, suprême soutien des hommes, remets-moi mon iniquité. » Il ajoute cet aveu qui résume l’enseignement de sa vie, et toute vie, peut-être, est capable de se résumer en un mot : « Ah ! si j’avais su d’avance ce que je sais maintenant, comment le vent tourbillonne à son aise, dans les plus hautes cimes des arbres, jamais, non jamais, je n’aurais vécu comme j’ai vécu. » Dans le concert des voix de la forêt, Merlin a négligé d’écouter la plus haute.
Cantigern parcourait les forêts de la Calédonie : le peuple lui donnait une origine identique à celle de Merlin ; il lisait dans l’avenir et il aimait sa Bretagne ; il s’en allait à pied, ramenant des apostats à la bergerie du Christ, conquérant de nouveaux fidèles, et baptisant de nombreux convertis. Un cer-