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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

englobent, dans leur construction, des pierres dont quelques-unes portent des caractères gravés, et qui proviennent, disent les habitants, du château détruit de Ponthus ; or, il y eut un Ponthus parmi les compagnons d’Arthur.

Les habitants de Folle-Pensée boivent l’eau de Bérenton, la fontaine féerique. Merlin, Arthur, Yvain accoururent jadis à cette fontaine ; la dame d’Yvain, elle-même un peu fée, était appelée la dame de la Fontaine et habitait un castel voisin de ses bords. C’est la fontaine du bois de Bersillant où des chevaliers portèrent le nouveau-né Brun de la Montagne, pour recevoir les dons de Morgane et de ses amies. Les poètes l’ont dépeinte « aux ondes clères sur fin gravois d’argent », ornée d’un perron de marbre… Une grosse pierre noire et gisante est tout ce qui reste du perron de Merlin, du perron sur lequel au douzième siècle l’auteur du Roman de Rou, maître Wace, « clerc de Caen, clerc lisant », alla toute une nuit attendre les fées. Pauvre fontaine ! Elle semble désormais assez humble et méprisable, dans un site de bruyères odorantes et d’arbres clairsemés, car la hache des bûcherons l’a privée des ombrages augustes. Le silence du désert y règne. Dans cet avilissement, elle retient la tradition des vieux poèmes : quelques gouttes d’eau répandues sur son perron feraient, affirme-t-on, éclater un orage… À peine luisante, à demi cachée par les pierres et la mousse, elle n’a pas l’air si formidable. Plus que les sites de Brocéliande, n’est-elle pas admirable, l’imagination humaine qui créa la prodigieuse forêt ?

Puis on se dit que le mystère de Brocéliande, c’est, peut-être, après tout, le mystère de la Bretagne. Il est plus vieux que la Table-Ronde, plus vieux même