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LES FÉES DU CYCLE BRETON

mythologie oubliée, et a-t-elle pour patrie les îles brumeuses, comme ces fées de la mythologie grecque, Calypso et Circé, les îles ensoleillées ?

À rechercher les traces de cette Morgane, nous les voyons se perdre en un passé de plus en plus profond. Elle paraît en d’innombrables légendes. Sa renommée est universelle, puisque les marins napolitains donnent le nom de Fata Morgana à certain phénomène météorologique : il lui sied d’habiter les cités changeantes de l’Illusion.

Une île mémorable est ceinte par l’Océan,


dit un beau vers latin du moyen âge. Ce vers s’applique à l’île d’Avalon qui nous est donnée, d’abord, comme la patrie de Morgane, et ensuite comme son royaume.

Le nom d’Avalon a-t-il pour racine le mot breton aval qui signifie pommier ? Il est à supposer que cette île, qui s’appelait aussi Fortunée, était à l’abri des rudes vents marins, et qu’une fraîche végétation l’ornait. L’île d’Avalon dut bien être l’île des arbres riants. Elle fleurit au milieu des vagues immenses. Ses poètes la parent de toutes les grâces du printemps septentrional, — le seul printemps qui leur soit connu, — se contentant de les éterniser ; et, sous la couronne légère de ses pommiers en fleur, l’île d’Avalon nous charme comme quelque coin privilégié de Normandie ou de Bretagne. Cependant elle est lointaine : pour les poètes, les îles fortunées sont toujours lointaines. Celle-ci ne réclame point de culture, et cela nous porte à demander si quelque souffle marin n’y a jamais amené le parfum des violettes de Calypso ou les graines du jardin d’Alcinoüs.