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Page:Félix-Faure-Goyau - La vie et la mort des fées, 1910.djvu/85

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LES FÉES DU CYCLE BRETON

Marine. Elle viendra trouver Laris, accompagnée de deux autres fées, ses amies, dont l’une s’appelle Brunehuit. Tour à tour, elle enlèvera Laris et Marine ; quand Marine sera retenue dans la forêt de Brocéliande, elle aura l’imprudence de venir narguer Laris en lui annonçant cette nouvelle. Celui-ci, sans pitié pour l’amoureuse petite fée au chapeau de fleurs, la tancera de telle façon qu’elle devra rendre la liberté à sa rivale, ainsi qu’aux chevaliers Ivain et Gauvain.

Reines ou suivantes, bruyantes ou effacées, toutes ces fées de la Table-Ronde, avec leur audace passionnée, nous intéressent parce qu’elles comportent, à bien y regarder, une sorte de psychologie féminine. Mues par l’amour ou l’ambition, elles sont des individualistes désordonnées, et veulent être des « surfemmes ». Dante a jugé leurs pareilles : « Vois les tristes femmes qui délaissèrent l’aiguille, la navette et le fuseau, et se firent devineresses ; elles composèrent des enchantements avec les herbes et les images. »

Leur punition dantesque consiste à marcher en ayant le visage tourné vers leur dos. Elles voulaient regarder trop en avant ; elles ne regarderont plus qu’en arrière.

Elles ont porté des mains sacrilèges sur le voile du destin. Heureuses les douces et les résignées, qui se contentèrent de manier l’aiguille, la navette et le fuseau, sur le seuil des demeures qu’elles éclairaient de leur sourire paisible ! C’est la douce vie quotidienne du foyer qu’elles filent et qu’elles tissent avec des laines souples et pures : un rayon du ciel luira sur leurs mains actives. Celles, au contraire, qui s’adonnèrent aux sciences défendues tombèrent