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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

tinte au cou d’un petit chien que Tristan a conquis au péril de sa vie, en tuant le géant qui le possédait. Il offre à son amie Iseut le fantastique animal. Ce tintement a de si doux sons que celui qui l’écoute est consolé de sa peine. Iseut ressent la délicieuse influence du grelot « fée », mais, comme elle ne veut pas être consolée de sa peine amoureuse, elle le jette dans la mer profonde. L’arc de Tristan, « qui jamais ne faut », est également fée comme le cheval de Roland et celui d’Ogier. Dans la forêt des légendes, ces floraisons nous révèlent le voisinage de sources féeriques.

Mais l’amour a envahi toute la scène, et les fées elles-mêmes se sont retirées ; à peine si l’on surprend quelqu’une de leurs traces légères.

L’amour est devenu toute la féerie de ce roman aux mystérieuses origines, et telle est la puissance du philtre qui le symbolise qu’elle survit à la mort… Après qu’Iseut sera vainement accourue vers Tristan moribond, quand elle l’aura trouvé mort et qu’elle se sera étendue pour mourir auprès de lui, on les enterrera dans deux tombes creusées de chaque côté de l’église de Carhaix. Mais un rosier sortira de la tombe de Tristan et une vigne de la tombe d’Iseut, et les deux plantes se rejoindront pour entrelacer leurs rameaux.

Ici, l’amour opère, on le voit, des prodiges qui font pâlir ceux de la féerie. Cette épopée de passion et de mort a absorbé je ne sais combien de récits antiques, mais elle les a refondus, leur communiquant une originalité victorieuse de toutes les réminiscences.

Et plus encore peut-être que Phèdre ou Roméo et Juliette, le vieux roman de Tristan et Iseut paraît