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LES FÉES DANS L’ÉPOPÉE CAROLINGIENNE

tesse. Son cor d’ivoire et d’or est fée, et fut ouvré par les fées en une île de mer. Son hanap se remplit toujours sous les lèvres de ceux qui se trouvent en état de grâce. Obéron ne manque pas de demander à ses protégés s’ils sont confessés et absous. Lorsque Huon répond qu’il vient de recevoir l’absolution du pape, Obéron, tout de suite, lui donne son hanap et lui permet de tenter l’épreuve. Il est si bon qu’il lui prête aussi son cor. En quelque lieu du monde que Huon doive l’emporter, le roi-fée continuera d’en entendre le son. Avec ces deux cadeaux, Huon de Bordeaux poursuit son voyage.

Huon de Bordeaux est un jeune imprudent. Il sait qu’aux accents du cor d’ivoire, Obéron doit apparaître à la tête des guerriers-fées. Et il ne peut résister au désir de voir si le prodige s’accomplit. « Bah ! se dit-il, Obéron est si bon qu’il me pardonnera. » Le nain féerique se montre accompagné de cent mille chevaliers : « Je te pardonne, dit-il, mais je pleure à la pensée des malheurs qui vont t’arriver par ta faute. Adieu ! tu emportes mon cœur avec toi. »

Belle parole de douce sagesse ! Ce petit roi-fée ne s’irrite pas ; il se contente de s’apitoyer. Or, le beau petit roi Obéron, qui marche légèrement dans la rosée de ses bois favoris, ne s’étonne pas plus de voir le cœur humain porter l’ingratitude et la défiance qu’il ne s’étonne de voir les buissons porter des épines. Avec un pardon, avec un vœu, avec un soupir, il congédie son téméraire ami, et me semble plus admirable pour cette sagesse mélancolique et résignée que pour les palais merveilleux qu’il bâtit, pour les armées fantastiques qu’il lève.

Il a besoin de pitié, le pauvre Huon. Non seule-